Créature

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Elle était là, en haut, dans mon atelier.

Je n’y avais plus remis les pieds depuis quelques jours. Jusqu’ici, elle se faisait discrète, mais je savais qu’elle allait de plus en plus s’insinuer dans mon esprit. Je ne saurais pas l’en empêcher. Et je n’aurais d’autre choix que d’y retourner. Essayer de l’apprivoiser, encore.

Julie a, cette fois-ci, su anticiper les tourments dans lesquels j’allais rentrer et a pris ses distances en allant loger chez une amie pour une durée indéterminée. Je ne lui en veux pas. Elle a raison malgré la solitude que cela me procure. Mais la créature allait se réveiller d’ici peu et à partir de ce moment- là, Julie ne m’aurait été d’aucune aide. Pire que ça, elle en aurait souffert. Comme à chaque fois que cela se produisait.

Certaines fois, il m’est arrivé de sortir de mon atelier après deux ou trois heures de travail. Julie me disait que cela faisait cinq jours que je m’étais enfermé en haut. Elle entendait des bruits étranges, mais sans plus jamais oser venir à ma rencontre. Cela lui faisait peur. La créature lui faisait peur. Je lui faisais peur. Une fois, quelques mois après le début de notre relation, elle était montée me retirer des griffes de la créature. Je lui en avait tellement voulu. Quand cette bête-là m’obsède par sa présence en moi, je suis horriblement irritable. Julie me dit qu’à ce moment-là, il n’y en a plus que pour cette chose. Et je ne peux pas lui donner tort.

Cette nuit, je n’ai pas fermé l’oeil. Elle revient de plus en plus souvent. Je vais devoir monter. Je ne mange presque plus. Elle me consume de l’intérieur. Mais paradoxalement, je me sens d’attaque pour prendre le dessus et arriver à la contraindre là où je veux aller. J’ai pris mes quelques notes sur lesquelles je travaille d’en bas. Elles sont l’assurance de la réussite de mon entreprise. Je suis prêt.

Je suis devant la porte de mon atelier. Sur la dernière marche qui mène au grenier, la main sur la poignée. Elle est juste derrière. Elle m’attend.

Il fait noir. C’est dans ces conditions qu’on travaille le mieux. J’aperçois juste une lueur blanche tout au fond. C’est elle. Je l’entends presque respirer. Il faut que j’arrive jusqu’au bureau et m’asseoir devant le moniteur. Surtout pas de gestes brusques, je dois garder le contrôle. C’est moi qui commande. C’est mon récit. Je tape les premières lettres : Chapitre 24. Je jette un coup d’oeil sur mes notes, je ne dois pas les oublier. Surtout pas.

Ok, c’est bon… je replonge dedans.