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L’homme âgé contemplait ses vieux pieds déformés par le poids des années, avec une certaine affection. L’eau du lac, étincelante sous la lumière de la nuit, semblait esquiver ses orteils à chaque allée et venue. Cela lui rappelait son enfance. Cette sensation d’avancer ou de reculer par le simple fait de prendre l’eau comme repère immobile. Cela lui rappelait aussi quand, emporté par cette vitesse virtuelle, il en perdait l’équilibre jusqu’à tomber sur le sable humide. Ses rires et ceux de ses amis résonnaient encore en lui.
Le vieil homme releva la tête et fit face à la grandeur du lac. De son point de vue, cela aurait pu s’apparenter à un océan. L’horizon était dépourvu de tout relief. Il se sentait seul depuis si longtemps. Hier paraissait si loin. Hier, la semaine passée, le mois précédant, l’année écoulée… Tous les jours se ressemblaient depuis tant de temps qu’il en avait perdu le fil. Mais qu’importe. Il était fatigué de tout cela. Cette redondance par le vide l’épuisait. Au point qu’il aurait tout donné pour briser cette monotonie. Quitte à aller pêcher le brochet avec l’homme qu’il avait tué de ses propres mains. Il lui aurait peut-être même tout pardonné pour retrouver sa femme le temps d’une soirée pour échanger un regard, voire même un baiser, en souvenir de cette complicité perdue. Tant pis si elle ne se réveillerait pas à ses côtés le lendemain matin. Il ne lui en voudrait pas. Ni à sa femme, ni à cet homme…
Et ce soleil à l’horizon qui tardait à se lever.
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